Plusieurs filtres anti-UV très répandus sont en passe d’être interdits ou limités
Aujourd’hui, les représentants de l’industrie cosmétique nous répètent qu’il faut mettre des filtres UV tous les jours de notre vie, même pour passer la journée à son bureau en hiver en région parisienne. Au départ, c’était lié au fait que des ingrédients irritants, fragilisants et photosensibles sont intégrés dans les produits, comme les rétinoïdes ou les acides chimiques exfoliants, mais au-delà de ça, nous allons rappeler brièvement quelques actualités sur ces filtres UV.
Comme cela a été relayé dans de nombreux médias, l’UE a établi une liste de 14 substances à évaluer en priorité car suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, et 5 de ces substances sont des filtres UV. Un second paquet de 14 substances à examiner contient aussi 5 filtres UV. Le CSSC (le comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs) a commencé à rendre des avis.
L’octocrylène est un filtre UV chimique très présent dans les crèmes solaires et soins anti-âge (et dans les crèmes de jour). Une étude plutôt sérieuse avait conclu en 2021 qu’avec le temps, il se dégradait en benzophénone, qui est suspecté d’être cancérigène et perturbateur endocrinien, et qui est allergène. Il pénètre la peau, et se retrouve dans le sang et les urines. Mais l’octocrylène est aussi délétère pour l’environnement, non biodégradable, c’est un toxique aquatique destructeur pour le corail. En fait, les produits résistants à l’eau (waterproof) ont un défaut qui est l’envers de la médaille, ils sont persistants ou bio-accumulables, et sont des pollueurs de l’air et des océans, mais cela ne fait pas partie de la mission d’évaluation du CSSC. Il reste autorisé jusqu’à 10% ou 9% selon le produit. On le trouve dans de très nombreux produits, en combinaison souvent avec l’homosalate (il faut plusieurs filtres UV pour couvrir tout le spectre).
L’homosalate justement (famille des salicylates) vient d’être passé de 10% à 0,5% par le CSSC, ce qui veut juste dire qu’il va falloir l’enlever comme filtre UV, alors qu’il faisait partie des filtres très utilisés (en combinaison avec l’octocrylène) dans les solaires et dans les autres cosmétiques (ex Anthelios anti-imperfections La Roche Posay ou BB Crème aussi). L’homosalate un des gros polluants de l’air intérieur, jusque dans les écoles et les crèches. On le retrouve aussi dans l’air ambiant des grandes villes (mesuré à Toronto par exemple), et c’est un polluant du milieu aquatique. Lui aussi a une pénétration cutanée importante, et on le retrouve lui ou ses métabolites dans le sang et les urines. Par contre, objectivement, son effet suspecté de perturbateur endocrinien semble assez minime.
A partir de janvier 2023, la benzophénone 3 (ou oxybenzone) qu’on trouve aussi en combinaison avec l’octocrylène passe à 6% dans les crèmes visage, à 2,2% dans les crèmes corps et à 0,5% comme conservateur. On le retrouve déjà surtout dans des vernis et parfums.
Le 4-MBC (Methylbenzylidene Camphor), dérivé organique camphré suspecté perturbateur endocrinien et génotoxique, mais qui est peu présent dans les produits, va lui devoir disparaître car le CSSC a estimé qu’il n’était pas sûr.
L’octinoxate, perturbateur endocrinien suspecté mais non avéré, qu’on retrouve aussi dans le sang et les urines, reste à 10%. Il y en a dans les parfums, les vernis, les colorants capillaires, les shampoings, les sticks à lèvres.
Donc, bien qu’on nous dise qu’il faille mettre des filtres UV tout le temps, une bonne partie d’entre eux sont sous risque réglementaire. A tel point qu’au dernier congrès « Parfums & Cosmétiques » à Paris, la question était posée noir sur blanc : « L’industrie fait de son mieux pour défendre tous ces filtres UV, cependant, va-t-on en perdre ? » ? Oui, et sans doute plus vite que le temps nécessaire pour en développer et valider de nouveaux.