Les crèmes de luxe

Vous trouvez que le luxe, ça coûte très cher ? Mais qu’il y a beaucoup de nouveaux ingrédients tendance et semblant révolutionnaires ? Mais est-ce qu’on en a pour son argent ? On va prendre un exemple.

Pour continuer notre tour des ingrédients des produits iconiques, cette fois, là, j’ai pris du très haut de gamme, du très cher. Je vais vous parler de Chanel Sublimage Extrait de crème. Vous la trouverez en parfumerie, présentée comme le top de la crème hydratante anti-âge, à un sympathique prix de 11380 € le kilo tout de même. L’ingrédient phare est la Vanilla Planifolia, c’est-à-dire la plante de vanille. Les fruits et les fleurs sont traités pour produire des actifs. Chanel fait état de mesures d’évaluation de son efficacité assez obscures, mesurant que la peau est plus « rebondie », « lisse », « nourrie » et « pleine d’éclat » sur un petit échantillon de femmes et que la peau est « réparée » sur un échantillon encore plus petit, « réparée » étant évalué par une mesure de la perte insensible en eau (PIE), c’est-à-dire qu’avec un Vapomètre, on teste si l’eau s’évapore facilement, indiquant une barrière cutanée abîmée. Il existe des sociétés qui réalisent des essais cliniques pour cosmétiques pour évaluer par exemple la ptose des joues selon une échelle dite de Bazin (de vieillissement de la peau). Chanel est un grand groupe de luxe avec un labo cosmétique de pointe, et surtout une équipe marketing redoutable, maîtrisant à la perfection les codes du luxe, en matière de publicité et de packaging.

Il y a 61 ingrédients, c’est la composition la plus longue que nous allons voir et de loin. On aurait presque l’impression qu’ils ont mis toute l’armoire, et contrôler la qualité d’autant d’ingrédients, c’est très lourd, même si les fournisseurs sont moins nombreux que les ingrédients (un prochain post abordera ce sujet). Le post va donc être un peu plus long que les précédent, ça va peut-être même ressembler à un post marathon, si c’est trop pour vous, glissez directement à la conclusion.

Les premiers ingrédients qui composent donc sans doute pas loin de la moitié du produit sont néanmoins comme d’habitude, si j’ose dire, l’eau et la glycérine, que je présente très rapidement, car on la retrouve dans presque chaque produit. La glycérine est hydratante, occlusive, émolliente, humectante. Elle peut être synthétisée à partir de dérivés hydrocarbures ou bien saponifiée à partir de graisses végétales (voire animales). Elle améliore l’onctuosité de la préparation et aime bien l’eau. Cette crème est donc, comme la plupart des produits cosmétiques du marché composée pour près de la moitié d’eau et de glycérine.

Ensuite, on a de l’eau de vanille, que Chanel aime bien utiliser, obtenue par distillation aqueuse des fruits de vanille (avec de la vapeur). C’est en fait un hydrolat car ce sont les fruits qui sont utilisés. C’est catégorisé par l’INCI dans les agents d’entretien de la peau, la vanille étant reconnue comme antioxydante. Les sources historiques sont en Amérique centrale, à Madagascar, en Indonésie et bien sûr en Polynésie pour une variante bien connue.

Puis du squalane, qui est une huile hydrogénée, obtenue par hydrogénation du squalène, souvent de la partie insaponifiable de l’huile d’olive (il existe aussi en forme synthétique et animale, historiquement à partir de foie de requin). C’est un émollient apprécié, car c’est un des composants naturels du film hydrolipidique de la peau, qui peut donc contribuer à restaurer cette couche supérieure de l’épiderme.

La coco-caprylate/stalate est une huile estérifiée issue de l’huile végétale de coco. . Les vertus ne sont donc plus celles de l’huile végétale d’origine, mais elle est facile à utiliser et bien tolérée, avec une bonne capacité à pénétrer l’épiderme. Elle est aussi plus légère et plus stable que l’huile de coco par rapport à la température. Elle est émolliente et agent d’entretien, ne laissant pas de sensation grasse sur la peau et étant moins comédogène que l’huile de coco, dont elle perd cependant les insaponifiables (vitamines/minéraux). C’est un solvant nettement plus efficace qu’une huile végétale pour un préparateur, mais n’ayant plus les qualités nutritives de l’huile originale.

Un premier ingrédient qui n’est pas irréprochable dans certains cas, le Butylene Glycol, d’origine végétale ou synthétique. C’est la version synthétique, dérivée de pétrole qui est potentiellement irritante, même si c’est le moins irritant des glycols. Mais dans les préparations maintenant, c’est généralement la version végétale qui est un alcool organique obtenu par fermentation de sucre. C’est un ingrédient assez utilisé car il a une bonne miscibilité et c’est un humectant qui permet de maintenir l’humidité de la crème et permet de contrôler sa viscosité, ce qui rend la crème mieux tartinable.

Ensuite, le Canola Oil est de l’huile d’une variante de colza.  C’est une huile végétale contenant des acides gras insaturés, acide linoléique et acide oléique, agents d’entretien de la peau, régénérants et calmants, réputés plutôt anti-comédogènes. Cette huile est riche en vitamines et minéraux en plus des acides gras.

Le Cetearyl alcohol est un alcool gras émollient, co-émulsifiant stabilisateur d’émulsion, agent de texture permettant de stabiliser et d’épaissir aussi la crème. Très utilisé pour obtenir une texture onctueuse non grasse, c’est un alcool gras dérivé d’acides gras végétaux (d’huile de coco souvent)

Le Camellia Kissi seed oil, est une huile végétale de graine de camelia kissi, émolliente et agent d’entretien de la peau, que l’on ne rencontre pas très souvent. C’est d’origine japonaise (le camelia du japon) et généralement pressé à froid et assez stable. C’est une huile riche en acide gras insaturés (acide oléique – oméga 9), un peu comparable au jojoba (en plus prestigieux).

Le Dimethicone (ou PDMS ou E900) est un polymère de silicone très fréquemment utilisé qui est un filmogène protecteur. Il a un effet occlusif mais « aéré ». Comme il apporte également de la douceur aux préparations (effet émollient), il est très souvent intégré dans les compositions, notamment pour compenser l’effet desséchant de certains autres ingrédients. C’est totalement synthétique bien sûr, comme tous les silicones, fabriqué à partir de plusieurs transformations chimiques du silicium, et donc un composant inerte et stable, sans réel effet bénéfique sur la peau. Il conserve l’hydratation par son effet filmogène pendant un moment et apporte de la légèreté à la formulation et une texture agréable.

L’Hydrogenated polydecene est un polymère obtenu par hydrogénation de polydecenes, utilisée comme émollient, procurant une sensation de douceur sur la peau avec un effet filmogène et réputé hypoallergénique.

Le Simmondsia Chinensis Seed Oil, est de l’huile végétale de jojoba (quand ça se termine par seed oil, c’est une huile végétale), adoucissant et hydratant la peau. C’est un émollient, agent d’entretien de la peau. C’est une huile qui donne un léger film lipidique sans sensation grasse.

Le Butyrospermum parkii butter est le nom du beurre de karité, issu d’un arbre africain, qui est aussi un des ingrédients bio, une des substances végétales non transformée. Les noix de karité sont très utilisées en cosmétique, le beurre obtenu est qualifié d’agent d’entretien de la peau et, pour une crème, c’est aussi un agent de contrôle de la viscosité. Il est adoucissant et protecteur, composé de triglycérides, d’acides gras, d’esters de cire et contient des vitamines (A, D, E) et des phytostérols, on l’expliquera plus en détail sur Celtica-care.fr.

Le Cetyl Alcohol est un alcool gras souvent dérivé d’huile de coco (historiquement, c’était à partir de graisse de cachalot) ou synthétisé, stabilisateur d’émulsion, qui donne de la consistance au produit (épaississant). C’est un émollient, adoucissant et protégeant la peau, plutôt bien toléré, mais pas le meilleur des ingrédients.

Les Phytosteryl canola glycerides (ex. marque Lipex Cellect) sont des esters de phytosterols dérivés d’huile de colza, classifiées agent d’entretien de la peau. C’est un émolliant assez utilisé pour ses qualités anti-inflammatoires et apaisantes dans les crèmes pour peaux sèches et anti-âge.

La Limnanthes alba seed oil est l’huile végétale de graine de limnanthe (ou reine des prés), qui est une herbacée d’Amérique du nord, donnant une huile assez stable (obtenue par pression à froid). C’est un agent d’entretien de la peau, avec des vertus nourrissantes et émollientes, s’absorbant facilement et assez hydratante. Elle a des propriétés conservatrices, résistante à l’oxydation grâce à la présence de tocophérols naturels (vitamine E). Elle a aussi des propriétés protectrices contre les UV, et est utilisée dans les produits de bronzage.

Le Secale cereale seed extract est de l’extrait de graine de seigle (graminée cultivée comme céréale ou fourrage, mais cultivée marginalement). Elle a des propriétés abrasives et est un agent de foisonnement. C’est également un agent d’entretien de la peau (acide phénolique aux propriétés anti-oxydantes) présent dans les crèmes anti-âges. Il contient du gluten.

On en est à 17 des 61 ingrédients, mais c’est déjà le nombre d’ingrédients des produits habituels. Nous sommes donc partis pour un post marathon.

Le 18ème ingrédient est la Vanilla planifolia Fruit oil, c’est-à-dire l’huile végétale de vanille. La vanille est une orchidée mise en culture. Pour être richement aromatique, la vanille nécessite une culture longue et soigneuse, ce qui en fait un des produits agricoles les plus chers du monde, rapporté au poids (juste après le safran). Le fruit se présente sous la forme bien connue de bâtonnets noirs, les gousses, qui sont du point de vue botanique des capsules contenant des graines. La vanilline possède des propriétés purifiantes, anti-inflammatoires, antioxydantes et régénérantes. La vanille a aussi une odeur bien reconnaissable, douce et sucrée. L’huile vendue dans le commerce est généralement un macérât huileux de gousses de vanille dans une huile végétale (jojoba ou sésame par exemple). Sinon, il existe aussi une huile essentielle, dont l’usage doit être plus maîtrisé car elle peut parfois entraîner des réactions allergiques.

Le Faex est un extrait naturel de levure (saccharomyces cerevisiae), qui contient des antioxydants (vitamines, flavonoïdes), des sucres et acides aminés, qui améliorent la qualité hydratante de la peau et peut être considéré comme biosurfactant, contribuant à lutter contre l’inflammation et le dessèchement. On la trouve dans de nombreux cosmétiques en combinaison.

Le Vanilla Planifolia leaf cell extract est l’extrait de cellule de fleur de vanille. Des études in-vitro portant sur cet ingrédient ont confirmé des vertus anti-proliférantes dans la lutte contre les carcinomes.

Le Vanilla Planifolia fruit extract est de l’extrait de fruit vanille, considéré comme agent d’entretien de la peau antioxydant (contenant des polyphénols, des flavonoïdes, du tanin). Il est aussi utilisé pour ses qualités aromatiques. Les polyphénols sont présents dans de nombreuses plantes et ont un rôle d’antioxydant naturel et d’anti-inflammatoire.

Le Vanilla planifolia flower extract est l’extrait de fleur de vanille, qui vient compléter tous les ingrédients issus du vanillier.

Glycyrrhiza  glabra root extract est de l’extrait de racine de réglisse. Cette racine était appelée « élixir de longue vie » dans la médecine traditionnelle chinoise et utilisée dès l’Antiquité autour de la Méditerranée. L’extrait contient principalement de l’acide glycyrrhizique et des flavonoïdes. C’est un agent d’entretien de la peau émollient éclaircissant, apaisant, antioxydant. Mais la glabridine inhibe la mélanine et l’acide glycyrrhétinique peut la stimuler selon le dosage, donc on peut retrouver plus de glabridine dans des crèmes éclaircissantes et plus d’acide glycyrrhétinique dans des produits pour le bronzage. Comme pour les autres extraits, les méthodes courantes d’extraction rapide avec solvant consistent à extraire à l’éthanol à partir des racines séchées, à réextraire à l’acétate d’éthyle et à purifier. On préfère bien sûr des méthodes d’extraction plus lentes et plus douces, qui préservent l’extrait naturel et évitent le risque de résidus de solvants.

Le Sorbitol (E420) est un polyol naturel sucré utilisé comme humectant et obtenu généralement par l’hydrogénation de glucose (bien que ce soit à la base un polyol naturel issu de la photosynthèse des plantes). C’est aussi un additif alimentaire, édulcorant de masse. Dans une crème, il est fréquemment intégré comme humectant, stabilisant et épaississant.

Le Phenoxyethanol est un conservateur synthétique (EGPhE) obtenu par éthoxylation de phénol avec de l’oxyde d’éthylène à température élevé, procédé très polluant. Il était assez utilisé en cosmétique et très controversé depuis 2012 suite à une recommandation de l’ANSM. Son usage est réglementé, et il est par exemple déconseillé dans les cosmétiques pour enfants, par exemple les lingettes nettoyantes, suspecté d’être un perturbateur endocrinien et c’est un allergène.

L’Ammonium acryloyldimethyltaurate/VP Copolymer est un polymère de synthèse. C’est un agent de contrôle de la viscosité qui aide à obtenir une texture agréable.

Le Glyceryl stearate est un ester de glycérine avec de l’acide stéarique, qui est généralement dérivé d’une huile végétale (palme, olive colza), il peut aussi être synthétique. C’est un co-émulsifiant aux propriétés émollientes très utilisé dans les crèmes car stable et bien toléré.

Le PEG-100 Stearate était déjà dans le produit précédent, je l’ai donc déjà présenté. Les PEG sont critiqués dans des études pour leur nocivité potentielle, et donc souvent déconseillés pour les peaux sensibles.

Le Tocopheryl Acetate est un dérivé de vitamine E utilisé comme conservateur pour ses propriétés antioxydantes. Il peut être extrait à partir d’huile de soja ou tournesol, ou être synthétique. Il est utilisé comme alternative au Tocopherol car plus stable.

Le Cetearyl Glucoside est un émulsifiant tensioactif. Il peut être d’origine végétale, obtenu par condensation d’alcool cétéarylique avec du glucose (issu de coco ou de maïs) ou d’origine synthétique. Il est bien toléré, non irritant et non comédogène.

Le Parfum, comme je l’ai déjà expliqué dans les posts précédents, est la partie de la composition qu’il n’est pas obligatoire de détailler pour le fabricant (sauf en cas de présence d’allergène réglementés). Il peut recouvrir de nombreuses molécules odorantes qui constituent la carte d’identité olfactive du produit, un des aspects importants pour l’utilisateur.

Le Pentylene Glycol est un bi-alcool d’origine synthétique ou végétale, dans ce cas issu de canne à sucre ou de maïs. C’est un solvant qui permet de stabiliser les mélanges, car il ne réagit pas vis-à-vis des composés. C’est un agent ayant aussi une légère action humectante qui, grâce à ses propriétés hydrophiles, contribue à retenir l’eau à la surface de l’épiderme. Il a également un effet antibactérien et donc conservateur.

L’Hydrogenated Lecithin est une huile hydrogénée d’origine végétale (soja, colza, tournesol) utilisée comme émulsifiant et agent d’entretien, car la lécithine a une forte concentration en acides gras (diglycérides d’acide stéarique et oléique) qui contribue à l’hydratation.

Le Palmitic Acid est généralement d’origine végétale, produit à partir d’huile de palme ou de coco. C’est un acide gras saturé naturellement très présent dans les tissus adipeux, et présent dans la couche supérieure de la peau, dont il constitue une partie de la barrière lipidique. Il est utilisé comme émulsifiant (contribuant au bon mélange de l’eau et de l’huile) tensioactif ayant des propriétés émollientes (adoucissant la peau). Il peut aider à réduire les infections cutanées comme l’eczéma et l’acné, mais ici présent dans un faible dosage.

Le Methylparaben (additif E218) est un conservateur d’origine synthétique de la famille des parabènes, assez présent dans les cosmétiques, mais controversé car certains des parabènes sont suspectés depuis quelques années d’être potentiellement des perturbateurs endocriniens. Cependant, il s’agît ici d’un parabène à chaîne courte, beaucoup moins sensible que les parabènes à chaîne longue (butylparabène, propylparabène), bien toléré, bien contrôlé, utilisé en faible quantité et présent également à l’état naturel dans certains aliments (fraise, cassis, carotte et vanille). Sa concentration est réglementée. Il est préférable pour les personnes ayant la peau sensible d’essayer de les éviter. Il a également des propriétés masquantes, pouvant réduire les odeurs de base des ingrédients.

Le Propanediol est un solvant fréquemment utilisé comme humectant naturel permettant de contrôler la viscosité du produit, généralement d’origine végétale (fabriqué à partir de fermentation d’amidon de maïs) ou bien sous forme de glycol synthétique. Il permet notamment de remplacer le propylène glycol qui n’a pas très bonne réputation.

La Xanthan gum est la gomme xanthame (le E415), c’est un additif utilisé pour stabiliser l’émulsion, c’est un agent épaississant et fixant. J’en ai déjà parlé dans un post précédent.

Nous en sommes au 37ème ingrédient. J’espère que je ne vous ai pas perdus au fil de cette longue énumération un peu technique, mais elle me semble cependant assez intéressante, car on trouve dans ce type de crème des ingrédients assez particuliers qui traduisent un savoir-faire et des moyens qui ne sont pas ceux du 1er labo du coin, cela peut inspirer ceux qui s’intéressent aux préparations sans forcément vouloir débourser un smic pour 100 grammes de crème !

Le suivant est le Sucrose Laurate, qui est un ester de sucre avec de l’acide laurique qui est émulsifiant et épaississant, avec des propriétés émollientes. Il est réputé assez doux et donc utilisé par exemple dans les formules nettoyantes pour bébés.

Le Sucrose Palmitate est également un ester de sucre avec de l’acide palmitique, émulsifiant et émollient, également assez doux.

Le Propylene Glycol (PG) est un dialcool synthétique très utilisé comme solvant humectant et émulsifiant qui permet de contrôler la viscosité de la formule, ou encore comme conservateur. Il est bien toléré (peu de cas d’allergies) et stable, mais il a mauvaise réputation car c’est un dérivé pétrochimique (par hydratation d’oxyde de propylène), donc peu écologique. Il existe une version d’origine végétale produite à partir de glycérine végétale hydrogénée puis distillée, et une version biologique par biofermentation de glycérine issue d’huile végétale (pouvant être obtenue lors de la production de bio-diesel) qui est mieux vue d’un point de vue environnemental. Cet ingrédient étant très utilisé, cette alternative est intéressante. Certaines études ont mentionné une irritation potentiellement liée au PG au niveau des muqueuses.

Le Sodium Hyaluronate est le sel de l’acide hyaluronique. Il est d’origine végétale, obtenu en laboratoire soit sous forme biosynthétique soit par fermentation bactérienne d’extraits de blé ou de maïs (il était auparavant d’origine animale, à partir de crètes de coqs). C’est un actif star en cosmétique, faisant l’objet d’une publicité massive, qui est à la base un composant naturel du tissu conjonctif, pénètre l’épiderme et a une action hydratante et repulpante. Il a la capacité de fixer une quantité d’eau importante. On le retrouve fréquemment dans les soins anti-âge. L’acide hyaluronique est utilisé en injection (grosses molécules pénétrant difficilement l’épiderme) tandis que dans une crème, c’est le sel de hyaluronate qui est utilisé, car c’est une molécule plus petite qui pénètre plus facilement dans la peau. Il y a d’ailleurs trois types de poids moléculaires utilisés (mesurés en Daltons), le haut poids (au-dessus de 500k Da) reste plus en surface, le bas poids (entre 50 et 500k Da) pénètre plus en profondeur (et est plus cher) et l’ultra-bas poids (moins de 50k Da) poussé par certaines marques, mais qui serait un peu plus inflammatoire selon certaines études.

Le Dipropylene Glycol (DPG) est un alcool mélange de 3 isomères (c’est-à-dire des molécules ayant la même formule brute, mais organisées un peu différemment), utilisé en cosmétique comme solvant agent de contrôle de la viscosité. Il est aussi utilisé dans les parfums.

Le Polyquaternium-51 est un copolymère de synthèse, généralement obtenu par alkylation d’amines tertiaires. Il fait partie des Quats (ammoniums quaternaires) qui sont des molécules utilisées dans de nombreux usages. Leur concentration est réglementée. Ils ont mauvaise presse, des articles ayant évoqué un risque toxique, mais il n’y a pas d’étude le démontrant pour les dosages cosmétiques. Leur ingestion ou inhalation est à éviter et leur écotoxicité est pointée. Le Polyquaternium-51 n’est pas le plus utilisé, et il n’y a pas d’information particulière le concernant. C’est un agent filmogène et hydratant, il est dit biomimétique (c’est-à-dire ressemblant à la version naturelle, avec de grosses molécules de structure proche des phospholipides).

L’Adénosine est un nucléoside (une des briques des acides nucléiques) présent dans les cellules de l’organisme, et utilisé dans le métabolisme pour la production d’énergie. Il joue un rôle dans les processus biochimiques de l’organisme, associé à des groupements phosphate (on parle d’AMP, ADP ou ATP). L’ATP est la principale molécule de transfert d’énergie dans le corps et l’AMP étant utilisée pour la transduction de signaux. L’adénosine, précurseur de l’ATP, est généralement produit par un processus biotechnologique impliquant la fermentation de microorganismes (bacilles). Il est utilisé à des fins médicales (ex. vasodilatateur) et il est d’utilisation assez récente en cosmétique et fait l’objet d’une publicité importante pour son effet régénérant et anti-âge supposé. On estime en gros qu’il apporterait de l’énergie aux cellules cutanées, boostant leur effet régénérant. On en trouve de qualité variable.

L’Arginine est un acide aminé indispensable à la synthèse de protéine dans l’organisme. Elle est synthétisée en général par fermentation. Elle est utilisée dans des soins pour freiner la chute des cheveux. Elle est utilisée pour maintenir le PH et limiter l’acidité (naturellement alcaline) et aussi comme agent d’entretien de la peau dans des soins anti-âge notamment.

Le Sodium Carbomer est un polymère de synthèse d’acide acrylique. C’est un stabilisateur d’émulsion et agent de contrôle de la viscosité qui a des propriétés filmogènes comme tous les grosses molécules des polymères.

Le Phytic acid ou acide phytique (additif E391) est compatible bio, c’est un agent de chélation (c’est-à-dire qu’il réagit avec des ions métalliques pouvant affecter le produit cosmétique, comme le calcium), et aide à stabiliser le PH. J’en ai déjà parlé dans un précédent post.

Le Polysorbate 20 (ou Tween 20) est un émulsifiant tensioactif produit par ethoxylation de sorbitol.

L’Ethylhexylglycerin est fabriqué de manière synthétique à partir de glycérine, utilisée comme agent humectant émollient. C’est un agent polyvalent qui est aussi utilisé comme antimicrobien.

Le Sodium citrate (E331) est un sel de sodium de l’acide citrique, généralement utilisé comme régulateur de PH.

Le Benzotriazolyl Dodecyl P-Cresol est un agent stabilisant, absorbant d’UV protégeant le cosmétique des effets décolorants de la lumière.

Le Tocopherol (additif E307) correspond aux composantes de la vitamine E. Il est compatible bio, et se trouve dans plusieurs huiles végétales. Il existe aussi sous forme synthétique. C’est un antioxydant présent dans de nombreux cosmétiques pour la conservation, et également dans des produits alimentaires.

L’ Ascorbyl Palmitate (E304) est un ester d’acide ascorbique et d’acide palmitique (c’est une forme de la vitamine C). Il est utilisé comme antioxydant afin d’éviter la dégradation du produit à l’air.

Le Palmitoyl tripeptide-1 est un peptide synthétique court composé de 3 acides aminés (les peptides sont devenus des ingrédients anti-âge reconnus pour la gestion du collagène, je développerai ce sujet dans un prochain post dédié), agent d’entretien de la peau utilisé comme anti-âge, ayant la réputation d’améliorer la production de collagène de type 1. C’est un des 2 principaux ingrédients du Matrixyl 3000, qui est un ingrédient mythique de la cosmétique.

Palmitoyl tetrapeptide-7 est un autre peptide synthétique court de 4 acides aminés. Il est également un agent d’entretien de la peau, susceptible de stimuler la production naturelle de collagène et de réduire la production des interleukines, réduisant les inflammations et réparant la peau. C’est l’autre principal ingrédient du Matrixyl 3000, dans lequel on trouve également du Polysorbate 20, du Carbomer et du Butylene Glycol, tous également présents dans cette crème Chanel, tiens donc.

Le Sodium benzoate est un second conservateur d’origine synthétique, mais compatible bio.  C’est le E211, qui est utilisé comme antifongique dans les cosmétiques mais aussi dans l’alimentaire. Il est réglementé (concentration maximale de 0,5% en acide) Il est fabriqué à partir de l’acide benzoïque, lui-même dérivé du benzène. Il existe naturellement dans certains fruits, les prunes et les pommes par exemple. Il est assez présent dans les cosmétiques mais aussi dans les gels douches et shampooings et mêmes dans les lingettes intimes. Comme il est présent assez largement dans l’alimentation aussi, notre exposition peut être non négligeable, et des associations de consommateurs l’ont soupçonné de déclencher des allergies et de favoriser l’hyperactivité chez les enfants qui le consomment dans les boissons aromatisées. Mais dans les cosmétiques, l’exposition reste cependant moindre, et c’est dans ce type d’exposition, un ingrédient assez inoffensif.

Le Citric Acid (additif E330) est un actif issu industriellement du citron qui sert généralement à équilibrer le PH et qui est utilisé comme agent de chélation (j’ai déjà expliqué ce que c’était il n’y a pas longtemps), pour la conservation du produit. Il est utilisé assez fréquemment et autorisé en bio.

CI 14700 (E125) est un colorant de synthèse rouge réglementé. CI 15510 est un colorant de synthèse orange réglementé. CI 15985 (E110) est un colorant jaune. CI 19140 (E102) est un colorant jaune.

Avoir plus de 60 ingrédients dans un produit est assez étonnant. Dans l’alimentation par exemple, on n’envisagerait pas un produit avec autant d’ingrédients, car l’intérêt d’intégrer autant d’ingrédients par rapport au risque et à la complexité que cela ajoute dans le process de production n’est pas du tout rentable. La valeur ajoutée par rapport aux inconvénients générés n’aurait pas de sens pour la plupart des marchés, sauf dans le cas particulier du luxe. En effet, dans le luxe, l’obsession des grandes marques qui investissent des millions par an en marketing est de ne pas être copié, et pour cela d’intégrer un savoir-faire très difficile à reproduire. C’est manifestement la logique de Chanel, qui intègre des ingrédients très coûteux et un très grand nombre d’ingrédients dans sa crème. Certains ingrédients sont d’ailleurs des substances naturelles excellentes, dont l’utilisation est une source d’inspiration pour la confection de nombreux produits cosmétiques. D’autres, par contre, sont des ingrédients chimiques parfois assez controversés qu’il est étonnant d’utiliser encore aujourd’hui pour une entreprise soucieuse des enjeux actuels et futurs en matière de santé et d’environnement.