Que contiennent les crèmes grand-public ?

Vous avez compris que les marques connues vendent encore aujourd’hui des produits essentiellement fabriqués par transformation chimique d’hydrocarbures ? On va prendre un exemple et vous expliquer ça !

La première crème que nous avons regardé était une crème bio. Si maintenant, on prend une crème tout à fait classique, c’est une autre histoire. Si on reprend par exemple notre bonne vieille crème Nivéa, la fameuse boîte bleue qui nous est arrivée d’Allemagne il y a un siècle. C’est une des marques européennes les plus connues, du groupe allemand Beiersdorf, qui a 16 usines dans le monde, et c’est la crème la plus vendue dans le monde, best-seller de la marque depuis un siècle. Au global, c’est composé toujours de la même manière avec une base aqueuse et huileuse (complétée par des émulsifiants, gélifiants, humectants), des actifs et des additifs. Mais, comme vous vous en doutez, la qualité des ingrédients utilisés, notamment pour la base, est essentielle, c’est ce qui, en premier lieu, rendra votre crème efficace et également vous rassurera sur le fait qu’elle est bonne pour votre santé et aussi bonne pour l’environnement.

Or, pour la crème Nivéa, ça commence mal. Après l’eau, le premier ingrédient est la Paraffinum Liquidum qui est une huile minérale dérivée d’hydrocarbures, pas chère et pratique, mais pas bonne ni pour la peau ni pour l’environnement. Ça encrasse et c’est fossile. Cela a un effet occlusif, protégeant la peau, mais pouvant être comédogène (bouchant les pores).

La Cera Microcristallina ou cire de paraffine est aussi dérivée d’hydrocarbures et hautement raffinée. C’est un agent fixant qui permet d’épaissir et de stabiliser la crème. C’est très filmogène là aussi (ça veut dire que ça constitue un film sur la peau qui l’isole de l’extérieur).

On retrouve ensuite la Glycérine, qui est un des permanents que l’on retrouve très souvent comme solvant, car elle améliore l’onctuosité et la lubrification des préparations. C’est très bien toléré et cela absorbe bien l’eau. C’est un hydratant très utilisé, protecteur, émolliant. C’est généralement produit à partir de graisse végétale, lors de la saponification.

Le Lanolin Alcohol, c’est l’Eucerit, nom donné au premier émulsifiant développé pour mélanger eau et huile, breveté il y a plus d’un siècle et qui constitue la principale innovation de ce produit. C’est un alcool gras synthétique dans ce cas (il existe aussi d’origine animale à partir de graisse de laine de mouton), qui est également hydratant.

La Paraffine est une cire dérivée aussi de pétrole, donc une huile minérale. C’est pratique à utiliser pour un industriel et assez bien supporté, on en trouve dans la vaseline par exemple. C’est un excipient à effet occlusif qui permet aussi de contrôler la viscosité de la crème.

Le Panthenol (ou provitamine B5) est un alcool synthétique très utilisé, c’est une star de la cosmétique. Il est même très utilisé dans les crèmes pour bébés. On en trouve dans certains végétaux, mais c’est une forme synthétique le D-Panthenol, qui est utilisée. C’est un agent de soin de la peau très bien toléré dans les dosages habituels, qui est transformé par les cellules en vitamine B5 (acide pantothénique) lorsqu’il est absorbé. C’est cicatrisant et cela permet une bonne hydratation des peaux sèches.

Le Magnesium Sulfate (additif E518) ou sel d’Epsom est un stabilisateur d’émulsion, utilisé aussi comme agent de foisonnement (cela réduit la densité apparente). Il est autorisé en bio et réputé également apaiser les rougeurs.

Le Decyl Oleate est une huile estérifiée qui peut être d’origine végétale ou synthétique et est émollliente, elle adoucit la peau.

L’Octyldodecanol est un alcool gras utilisé comme solvant et comme émollient. Il est assez fréquemment utilisé car il est aussi émulsifiant. Il existe d’origine végétale ou synthétique. Ce n’est pas néfaste mais pas non plus extraordinaire.

L’Aluminium Stearate est un sel d’aluminium anti-agglomérant, colorant blanc. L’aluminium est mal vu depuis les débats sur les déodorants. Ce sont de petites molécules qui pénètrent l’organisme, et c’est irritant pour la peau. Ce n’est pas un ingrédient très apprécié, régulièrement cité comme étant à éviter. Il permet de stabiliser et d’épaissir une crème, pour éviter que l’huile et l’eau ne se dissocie au fil du temps.

Le Citric Acid (additif E330) est un actif issu industriellement du citron qui sert généralement à équilibrer le PH et qui est utilisé comme agent de chélation, pour la conservation du produit. Il est utilisé assez fréquemment et autorisé en bio.

Le Magnesium Stearate (E572) est un agent de texture antiagglomérant, colorant blanc. Il peut être en partie d’origine végétale (par exemple, acide stéarique issu d’huile de palme avec du magnésium). Il contribue à la bonne tenue de la crème.

Le Limonene est un extrait d’huile essentielle d’agrumes qui fait partie du parfum mais doit être explicitement mentionné dans la composition car il fait partie de la liste des allergènes.

Le Geraniol est de même un extrait d’huile essentielle de géranium (qui sent plutôt la rose) et doit être obligatoirement mentionné.

L’Hydroxycitronellal est aussi un agent parfumant qui fait partie des 26 allergènes réglementés et doit donc figurer sur la composition s’il est intégré dans le parfum. Ça apporte une odeur de citron fleuri ou de citronnelle.

Le Linalool est présent dans beaucoup d’huiles essentielles, il fait partie des éléments parfumants. Il est catégorisé comme allergène et doit être mentionné (sa concentration doit être limitée à 0,001%), mais quand il figure à l’état naturel dans une huile essentielle, ce n’est pas aussi simple, la combinaison organique a une incidence différente en matière d’allergie, je reviendrai là-dessus une autre fois. Le Citronellol est aussi une molécule odorante présente dans les huiles essentielles de rose, de géranium ou de citronnelle. Il fait partie des substances réglementées et doit être mentionné.

Le Benzyl Benzoate est également une molécule odorante présente dans les huiles essentielles de Jasmin ou d’Ylang-Ylang (on le trouve dans le baume du pérou par exemple). Sa présence est réglementée comme les précédentes. C’est aussi un anti-microbien utilisé dans certains traitements cutanés (contre la gale par exemple).

Le Cinnamyl Alcohol est de même un agent parfumant, c’est une des molécules réglementées au potentiel allergène. On le retrouve au naturel dans la cannelle par exemple.

Le parfum est la partie de la composition non communiquée par le fabricant, qui est un de ses arguments de vente. Il est question de rose, de violette, de muguet, de lilas et d’agrumes. Seuls les composants réglementés doivent être mentionnés, comme précédemment. On voit à la liste des ingrédients de cette crème que le parfum est très élaboré avec beaucoup d’ingrédients.

Dans cette crème extrêmement célèbre, les gros ingrédients sont tous minéraux ou chimiques. Il n’y a rien d’organique, c’est donc stable et pas très risqué (et peu coûteux). Par contre, les vertus du produit sont limitées et ses qualités faibles, c’est même potentiellement un peu trop occlusif et polluant. C’est une crème épaisse, assez filmogène (c’est-à-dire qui créé un film sur la peau). Et surtout, on peut difficilement se dire qu’on fait du bien à sa peau et à l’environnement en utilisant des dérivés de pétrole.